« Il me semble d’ailleurs qu’on ne devrait lire que les livres qui vous mordent et vous piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? Pour qu’il nous rende heureux, comme tu l’écris ? Mon Dieu, nous serions tout aussi heureux si nous n’avions pas de livres, et des livres qui nous rendent heureux, nous pourrions à la rigueur en écrire nous-mêmes. En revanche, nous avons besoin de livres qui agissent sur nous comme un malheur dont nous souffririons beaucoup, comme la mort de quelqu’un que nous aimerions plus que nous-mêmes, comme si nous étions proscrits, condamnés à vivre dans des forêts loin de tous les hommes, comme un suicide — un livre doit être la hache pour la mer gelée en nous. Voilà ce que je crois. »
Extrait de la lettre à Oscar Pollak (écrite en janvier 1904)
A bien y réfléchir, il en va peut-être bien de même en yoga avec les poses : n’aurions-nous pas tout intérêt à explorer celles qui nous démangent le plus? ces poses qui nous font mal, nous font douter de leur…bien fondé?
Au fond que pourrait-on bien craindre de plus terrifiant que d’échapper à sa condition d’être humain : une merveille de corps et d’esprit! or voici que tout à coup là, sur un espace réduit au sol – le tapis de pratique – se présente la possibilité d’une expansion globale; un temps pour vivre les forces physiques et psychiques unies, doubles lames d’une hache de paix en action.
Parce que ces poses nous éclairent bel et bien sur nous-mêmes, elles perceraient nos zones les plus silencieuses, les plus fermées.
Bougeraient alors nos limites, nos propres injonctions et ce qui semblait limité deviendrait libre de ses propres limitations*
Alors?
Namaste
*voir l’article sur R. Tagore à venir